26 mars 2024

Recevabilité d’une vidéo clandestine comme mode de preuve

Sommaire

Le traitement judiciaire des preuves clandestines a évolué significativement sous l’égide de la Cour de cassation en France. De l’affaire « Néocel » à nos jours, les principes de loyauté et de légalité ont été affinés, influençant profondément la jurisprudence relative à la recevabilité des preuves.

1991 : L'Arrêt fondamental "Néocel"

Très claire fut la volonté exprimée par la Cour de cassation, dans son arrêt « Néocel », de rejeter les preuves clandestines (Soc. 20 nov. 1991, n° 88-43.120), dans le cadre d’un licenciement pour faute grave d’une salariée fondée sur le visionnage d’une vidéosurveillance de sécurité.  La chambre sociale avait alors jugé qu’un enregistrement effectué par un employeur à l’insu d’un salarié, à l’aide d’une caméra dissimulée dans une caisse de supermarché, devait être écarté des débats.

2011 : Confirmation du principe de loyauté de la preuve

Vingt ans plus tard, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation confirma cette jurisprudence en consacrant solennellement le principe de loyauté de la preuve (Ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.316 et n° 09-14.667 : « l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve »).

2023 : Revirement au nom du droit à la preuve

Mais en fin d’année dernière, l’irrecevabilité systématique des preuves déloyales ou illicites a été abandonnée par un arrêt de revirement rendu au nom du droit à la preuve (Ass. plén., 22 déc. 2023, n° 20-20-648 et 21-11.330). L’interdiction absolue de la preuve déloyale- qui avait le mérite de la clarté – doit depuis faire place à une opération – à l’issue plus incertaine – de mise en balance des intérêts reposant sur un contrôle de proportionnalité, à l’instar de celui effectué en présence d’une preuve illicite. 

En tout état de cause, cette décision confirme que la nouvelle recevabilité de la preuve déloyale ou illicite n’empêche pas de contrôler a posteriori le caractère à la fois indispensable et proportionné de la preuve ainsi rapportée.